Pourquoi j’adhère à #metoo et non à #balancetonporc

En tant que coach vocal impliquée dans le développement de l’affirmation de soi par le travail de la voix, en particulier pour les femmes, je tenais à m’exprimer sur les événements de cette semaine sur les réseaux sociaux.

Si je me félicite de ce soulèvement contre l’omerta imposée aux femmes sur leur condition depuis des siècles, je déplore néanmoins certaines dérives qui, à mon sens, ne peuvent pas faire avancer les choses. Voici donc pourquoi j’adhère à #metoo et pas à #balancetonporc…

#Metoo > Oui ; #balancetonporc > non

Le hashtag #metoo a le mérite de permettre une prise de conscience de l’ampleur du phénomène car en effet, nombre d’hommes tombent des nues devant la déferlante de témoignages féminins : 100% des femmes sont ou ont déjà été harcelées.
Il y avait eu, récemment encore, des statistiques sur le harcèlement dans les transports en commun, mais cela reste abstrait tant que nous ne voyons pas le visage de ces femmes. Là, on les connaît : c’est notre sœur, notre nièce, notre cousine, notre mère, notre fille, notre meilleure amie….
#metoo a pour but de dénoncer les actes, pas les hommes. Cela évite de stigmatiser ces derniers. L’expression #metoo est neutre : les femmes parlent d’elles, de ce qu’elles ont vécu, de ce qu’elles ont ressenti, des traces que cela a pu laisser, sans accuser. Elle a pour but d’établir un constat d’une situation qui doit changer, AVEC les hommes, pas CONTRE eux !

#balancetonporc est délateur et crée un climat de méfiance peu propice à la construction de quoi que ce soit, à commencer par le dialogue. Ce hashtag accusateur et stigmatisant (homme = agresseur), enferme ces derniers dans un rôle qui ne fera qu’alimenter la « bagarre ».
Cette expression est insultante et violente, à l’image des agresseurs. Elle a un objectif destructeur : la vengeance. Or la loi du talion, nous le savons, ne mène jamais à rien de bon. Si nous voulons construire une société égalitaire, ne faisons pas subir aux hommes ce que nous subissons, leur faire prendre conscience suffit, les martyriser ne peut que leur donner envie, à leur tour, de se venger, et c’est sans fin. Nous pourrions faire un parallèle avec la situation en Palestine et Israël, ou bien avec Mandela qui a eu la force et la sagesse de ne pas céder à la vengeance pour arrêter le cycle de la destruction.
Alors, élevons le débat, montrons l’exemple d’une communication respectueuse de l’autre genre pour inspirer les hommes et non les contraindre à « bien se comporter ».

La Justice doit avoir les moyens de faire son travail

Bien sûr, quand la Justice manque à ses devoirs de protection des victimes, soit par manque de conscience de la condition féminine (cf. la décision de justice intolérable du Tribunal de Cergy il y a quelques semaines concernant le viol d’une enfant de 11 ans, considérée comme « consentante » parce qu’elle ne s’est pas débattue !!), soit par manque de moyens, soit à cause d’un cadre législatif trop flou, grande est la tentation de se rendre justice soi-même !

Mais encore une fois, heureusement que tout le monde ne peut pas se rendre justice soi-même, comme il lui chante : ce serait la porte ouverte à tous les débordements ! Notre système juridique et judiciaire, aussi imparfait soit-il, a au moins le mérite de poser les bases fondamentales de notre démocratie.  

La loi a cependant, certes, besoin d’évoluer pour offrir un cadre plus clair afin de pouvoir réellement protéger les femmes contre ces actes, souvent insidieux, pour lesquels il est difficile de recueillir des preuves, et pour lesquels on en est généralement rendues à l’évidence qu’il faut apprendre à vivre avec. D’autant plus que cela envoie un message catastrophique aux agresseurs : ils sont rarement confondus pour leurs actes et peuvent donc continuer en toute impunité.

Je suis heureuse de voir que la gouvernement actuel, par l’intermédiaire notamment de Madame la Ministre Marlène Schiappa, a enfin à cœur de s’occuper de ce problème en faisant cesser toute complaisance à l’égard des agresseurs. Il était plus que temps de faire ce travail ! En effet, si les injures racistes sont, depuis des années, passibles de sanctions, les injures sexistes et autres harcèlements sont, pour leur part, souvent pris par-dessus la jambe : les femmes sont vraiment la dernière roue du carrosse !! En 2017, ce n’était plus tolérable !

Une action conjointe : la loi doit créer le cadre, mais les femmes doivent individuellement apprendre à s’affirmer

…pour enfin se positionner sur un pied d’égalité avec les hommes.

Le Huffington Post m’avait envoyé un coup de gueule un jour en réponse à mon livre en avançant qu’ « avec [ma] méthode, c’était encore une fois aux femmes de faire l’effort de travailler sur elles »… Je comprends tout à fait l’agacement de se voir encore dire « il faut être plus comme ceci ou plus comme cela, toujours plus parfaite, sur tous les fronts ! ».

Et je suis 100% d’accord pour dire que la loi doit prévoir un cadre beaucoup plus clair ! Elle doit être une instance indiscutable, qui ne laisse rien passer : quand il y a faute, il y a sanction !

Mais ce que j’observe, en tant que coach vocal, c’est que de très nombreuses femmes viennent me voir avec :

  • des voix de petites filles, qui sont la traduction de leur sentiment d’infériorité ou d’illégitimité, de soumission, de subordination (elles se placent littéralement dans un rôle d’Enfant – encore une fois, pour celles qui connaissent, ils s’agit là d’un terme générique en Analyse Transactionnelle)
  • Des voix effacées, qui les soustraient du paysage, les rendent invisibles, inaudibles et donc absente dans le débat
  • Des voix agressives, qui ont le mérite de ne pas s’écraser, mais pour autant qui ne fédèrent pas car l’agressivité a plutôt tendance à braquer qu’à inspirer
  • Des voix masculines, qui traduisent le malaise d’être femme et donc la résignation à se déguiser en homme, trahir sa propre identité pour pouvoir être acceptée

(Pour plus de détails sur le conditionnement des femmes et comment il se traduit dans notre voix, voir Femmes, faites-vous entendre. S’affirmer par le travail de la voix (Christine Moussot, Odile Jacob, mai 2017)

Sans s’en rendre compte, elles alimentent elles-mêmes leur condition. Elles se soumettent aux hommes ou les braquent et ne parviennent pas à prendre leur place.
Elle sont souvent dans un rapport de force au lieu de se sentir légitime et donc d’adopter le comportement qui va avec. Ce n’est pas de leur faute, cela provient de leur conditionnement, omniprésent dans leur vie : éducation, société, expériences…. Parmi lesquelles les agressions sexistes et sexuelles que vivent les femmes au quotidien. Comme le disait récemment Marlène Schiappa : comment une femme peut-elle arriver pleine de confiance en elle au travail quand elle vient d’être contrainte à raser les murs pendant 1/4h, suivie et harcelée par un homme dans la rue ?

Et pour ceux qui ont des notions d’Analyse Transactionnelle (approche psychologique qui aborde le fonctionnement des relations interpersonnelles et montre, entre autres, comment le rôle des uns conditionne celui des autres), il est bien connu qu’une Victime ne reste pas forcément toujours Victime, mais elle peut devenir Bourreau, par exemple. C’est ce qui se passe avec le #balancetonporc.

Le problème c’est que, Victime ou Bourreau, nous entretenons des relations malsaines, des jeux psychologiques qui enferment le débat et empêchent de trouver des solutions. Chaque acteur passe de Victime à Bourreau, voire à Sauveur, mais personne n’est jamais vraiment Adulte, tout se passe dans l’affect et le jugement, et il ne reste aucun espace pour l’objectivité et le pragmatisme dont nous avons pourtant tellement besoin dans la situation présente.

La bonne attitude, c’est donc bien sûr de parler en Adulte et selon les règles de la Communication Non Violente : les violences faites aux femmes, le harcèlement, les agressions mais aussi le « sexisme » ordinaire doivent être dénoncés à chaque fois qu’ils se produisent et donner lieu à des sanctions prévues dans la loi. Cela doit être fait sans « juger » ( à « tu as fait ça, donc tu es un porc… » mieux vaut préférer « tu as fait ça, c’est interdit et puni par la loi. Si tu le fais, il y aura des sanctions »).

Et lorsque nous, les femmes, prendrons enfin véritablement toute la place qui nous revient, la société et les hommes nous l’accorderont aussi bien plus facilement.

Et bien sûr, quand les hommes nous agressent, nous devons pouvoir compter sur un cadre législatif protecteur. Le fait que la loi soit une instance suprême et surtout une tierce « personne », fait que les femmes peuvent se soustraire du rapport de force. Cela permet de dépassionner le débat. Le harcèlement est interdit, c’est interdit, point.

Créer l’égalité, femmes et hommes, ensemble

Comme je le disais plus haut, si nous voulons que tout le monde adhère et donc travaille à ce projet d’égalité, mieux vaut inspirer que contraindre. Et cela ne se fera qu’en nous inscrivant dans une démarche respectueuse et constructive, en intégrant tout le monde dans le processus.

En comprenant, entre autre que le monde sera plus équilibré, plus riche et plus harmonieux quand tous les êtres humains seront considérés également.

POUR l’égalité et non pas CONTRE le sexisme (selon la loi de l’attraction, ce sur quoi on se concentre est ce que l’on finit par créer), comme disait Mère Teresa : POUR la paix et non pas CONTRE la guerre.