Billet d’humeur : indépendants, jusqu’où doit aller le « bénévolat »?

Une fois n’est pas coutume, j’ai envie, aujourd’hui, de pousser un coup de gueule. Et oui, en tant qu’auteure de « Femmes, faites-vous entendre. S’affirmer par le travail de la voix » (Odile Jacob, 2017), je pense qu’il est temps pour moi d’affirmer haut et fort que  « non, un indépendant n’est pas un esclave à qui on peut demander n’importe quoi, gratuitement, en allant parfois jusqu’à oublier d’avoir pour lui (ou elle) la moindre considération humaine ! »

Payer pour travailler !

Je vous expose la situation : un réseau féminin que je ne nommerai pas m’a récemment demandé de proposer à ses adhérentes mon atelier « Femmes, faites-vous entendre ». J’ai accepté l’idée, bien évidemment, puisque mon but est de transmettre mes outils d’affirmation de soi pour les femmes au plus grand nombre. Puis, j’ai appris qu’il y aurait une participation de 10€ par inscrite.
Comme l’information n’était pas très claire, j’ai téléphoné à l’organisatrice, qui me précise que ce n’est pas pour les participantes, mais pour moi!! Comme vous l’imaginez, cela m’a valu une franche rigolade : j’avoue que je n’avais encore jamais entendu le concept de payer pour travailler! Même s’il m’a paru tout à fait original et divertissant, j’ai refusé.
L’atelier ne se ferait pas… tant pis ! Je devrais me contenter de tous mes clients fidèles et conscients de la valeur de ce que je leur apporte en me rémunérant en conséquence.

Puis l’organisatrice revient vers moi m’annonçant avec enthousiasme que finalement, pour moi, elles feraient une exception et ne me demanderaient pas de participation!! En revanche, je ne serai pas rémunérée. Il m’arrive exceptionnellement, pour des réseaux dont je connais l’engagement véritable dans le combat pour l’égalité hommes-femmes, d’offrir mes ateliers gratuitement. Et même si le premier épisode m’avait un peu refroidie, je me suis dit « bon d’accord »…
L’organisatrice me demande ensuite si on peut discuter du contenu… Sur quoi je réponds que les ateliers « gratuits » sont des ateliers clé en main et qu’on ne peut pas les personnaliser 🙂

Des « clientes » dénuées d’empathie

Plusieurs semaines avant la date, un de mes gros clients me demande une prestation (rémunérée à son juste prix) en province, le jour de l’atelier gratuit, sans aucune autre possibilité de date. Je suis indépendante, donc mon salaire est directement lié à ce que je facture à mes clients. Je ne vais pas refuser un contrat de ce type, pour maintenir un atelier gratuit. Je propose donc de recaler l’atelier à une autre date. Mon interlocutrice semble mécontente, mais en même temps, ce n’est pas elle qui fait bouillir ma marmite.

On recale donc l’atelier. Et là… le jour venu, je suis malade. Clouée au lit avec de la fièvre et en plus un début de lumbago. Très embêtée évidemment, j’annule l’atelier en expliquant la situation. Mon interlocutrice me fait des remontrances : « Qu’est-ce qu’on fait alors? » (comme si tout à coup, j’allais guérir miraculeusement et quand même faire l’atelier!) « On est une association, donc on ne peut pas rembourser les participantes » (oui, parce que les participantes ont payé, de leur côté!! – sachant que les organisatrices ne paient même pas de location puisqu’elles organisent les événements dans l’appartement d’une des membres)? « J’ai vraiment l’impression que vous n’avez pas envie de le faire cet atelier…! »

Ce dernier sous-entendu me scotche! Je suis malade, clouée au lit et je n’ai droit à aucune compassion, on voudrait que je vienne assurer mon atelier au détriment de ma santé! Pire, on met en doute mon état de santé qui semble ne pas justifier l’annulation!!! Je suis abasourdie!

Je peux tout à fait comprendre que cela tombe mal et je suis sincèrement désolée pour les participantes, (avec qui, si elles se manifestent, je ferai en sorte de trouver une solution) mais que puis-je faire ? Même Adele a annulé son concert à Wembley lorsqu’elle a perdu la voix… Pour ses fans aussi ça tombait mal, mais quand on ne peut pas, on ne peut pas…!

Je ne dis trop rien et retourne me coucher, je trouverai une solution plus tard, pour l’instant j’ai besoin de repos. J’annule toutes mes séances du lendemain (vendredi du week-end de Pâques), mes « élèves » peuvent en témoigner, ainsi que le studio où je travaille (où le staff a dû porter mon piano électronique la veille car je ne pouvais pas le faire, à cause de mon mal de dos). Ils pourront aussi vous dire qu’avant que j’annule une séance, il faut vraiment que je ne tienne plus debout.

Le mardi, le système ORL va mieux, mais le dos est toujours bloqué, je peux à peine marcher. Mon ostéopathe ne rentre que le lendemain… J’annule donc, de nouveau toutes mes séances, je n’ai pas le choix.

Le mercredi, délivrance : je vois mon ostéo, qui me remet sur pied en un quart d’heure! Je vais donc pouvoir partir à Copenhague (j’y suis une formation sur 3 ans et y vais tous les deux mois en moyenne)! Soulagement!

Entre temps, je n’ai pas eu le temps ni la tête à trouver une solution pour l’atelier annulé (je dois avouer que l’envie n’y est plus vraiment, ou alors en direct avec les participantes).

Avant même de pouvoir proposer une solution, on me facture des frais d’annulation ! (J’appelle les inscrites à l’atelier à me contacter directement afin que je leur propose une solution, en direct).

Mais finalement, la solution viendra d’elles : je reçois un mail qui me dit que, comme j’ai annulé l’atelier le matin même, elles ont dû procéder au remboursement des participantes (finalement, elles ont réussi à les rembourser!), ce qui leur a occasionné des frais, qu’elles me demandent de rembourser!! Et puis, entendons nous, ces frais s’élèvent à moins de 20€….

A trois jours près, c’était mon meilleur poisson d’avril! Je ne sais pas si je dois rire ou me révolter. J’ai choisi de rire par mail et de me révolter sur Internet!

Je trouve que cette histoire mérite d’être partagée. Il y a en effet trop d’abus avec les indépendants : sous prétexte de visibilité (personnellement, la visibilité, ce n’est pas ce qui fait manger ma famille, et puis j’ai également régulièrement des interventions très bien rémunérées et qui m’offrent tout autant de visibilité, voire plus), on vous demande de travailler gratuitement, et ce, sans aucune considération.

Aucun salarié dans ce pays n’accepterait ça. D’accord, la liberté a un prix, et il faut être prêt à la payer cher, mais personnellement, je ne négocie pas le respect, la considération, ni l’humanité, tout court.

Ce que je viens présenter, ce sont mes compétences, et toute la richesse de presque 10 ans de pratique professionnelle très spécialisée, ce n’est pas un hobby, c’est ce qui me fait manger. C’est ma passion, certes, et c’est tant mieux pour mes clients car c’est ce qui fait que je ne cesse de creuser, de me remettre en question, de me former sur mon sujet, et que je le transmets avec autant d’enthousiasme et de conviction. Mais c’est un travail, pas un loisir.

Merci pour cette expérience enrichissante!

Alors, je voudrais dire un grand merci à ce réseau féminin qui m’a beaucoup fait grandir et m’a aidée à clarifier ma ligne de conduite désormais avec les demandeurs de ce type.

Dorénavant, je serai encore plus sélective et n’offrirai d’atelier gratuit qu’à des associations à but totalement non lucratif, dont l’engagement m’apparaît vraiment total dans la cause de l’égalité hommes-femmes, affichant des valeurs humaines nettes (et honnêtement, c’est l’écrasante majorité. Les ateliers ne devront, dans ces cas là, pas être facturés  aux participantes ou alors seulement pour supporter le coût logistique de l’atelier. Ce sera, enfin, du cas par cas, je choisirai au feeling 🙂

Et vous, que pensez-vous de cette attitude de la part d’un réseau?
Avez-vous déjà vécu une expérience similaire ?
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